Témoignage de Madame Dominique Sénès
Entretien avec Dominque Sénès
Témoignage de Dominique SÉNÈS, Responsable Administrative de l’UFR 12 (2002-2012)
Entretien réalisé le 11 octobre 2022 au centre Sorbonne – Bureau F615
par Nicolas FORTUNÉ Chargé de communication, Gestionnaire de scolarité de l’UFR 12 (2002-2012)
durée : 15h12 à 15h38
Attachée d'administration scolaire et universitaire depuis 1995
Affectée au Rectorat de Paris à la Division des Ecoles chargée de la gestion des enseignants du premier degré en tant que responsable du bureau des Affaires Générales (organisation des élections professionnelles – organisation des réunions de la commission paritaire concernant les enseignants du premier degré – gestion des affaires contentieuses en relation avec l’inspecteur d’académie-gestion des demandes de formation des enseignants du premier degré)
Affectée à Paris 1 en septembre 2002
- Responsable administrative de l’UFR AES (UFR 12) de 2002 à 2012
- Chef du Service des thèses de sciences humaines, de 2012 à 2019
- Responsable administrative de l’Ecole doctorale de science politique, depuis la rentrée 2019
7 ans à l’UFR Administration Economique et sociale
Nicolas FORTUNÉ : A quel moment êtes-vous arrivée à l’UFR 12 ?
Dominique SÉNÈS : Je suis arrivée à l’université Paris 1, plus précisément à l’UFR AES et Droit Social en septembre 2002. C’était ma première affectation en université. Je venais du rectorat de Paris où j’avais commencé ma carrière professionnelle en tant qu’agent titulaire de la fonction publique après la réussite au concours externe d’Attachée d'Administration Scolaire et Universitaire.
C’était donc ma première affectation à l’université en tant que responsable administrative d'une UFR. Je suis arrivée sans idée préconçue sans appréhension avec l'envie d'une expérience nouvelle. J'avais passé à peu près 7 ans au rectorat de Paris où j’étais responsable d’un bureau assez lourd, dans un contexte qui n'était pas très serein. L’université représentait une nouvelle page dans ma carrière et j'avais envie d'y écrire de belles choses. Je n'ai pas été déçue. J’y ai trouvé une atmosphère très chaleureuse et stimulante. J’ai appris un nouveau métier, j’y ai fait des rencontres très intéressantes parmi mes collègues administratifs et enseignants. Humainement et professionnellement ça a été une expérience vraiment bénéfique.
Nicolas FORTUNÉ : Pourquoi la fonction publique ?
Dominique SÉNÈS : On va dire que j'ai été un peu conditionnée inconsciemment par mon univers familial. Mes parents étaient fonctionnaires. Dans ma famille, la fonction publique est très représentée. Je me suis cherchée longtemps professionnellement. J'avais des envies, des projets que je n'ai pas eu l'audace de réaliser. A un moment donné, il a fallu que je concrétise ma vie professionnelle et j’ai décidé de passer des concours dans différentes administrations. C'est finalement à l'éducation nationale que j'ai commencé ma carrière en 1995. J’ai entre temps occupé des postes très divers avec à chaque fois des expériences enrichissantes.
Nicolas FORTUNÉ : Vous êtes arrivée à l’UFR 12 à l'époque de la mandature de Rémi Lenoir Directeur de l’UFR.
Dominique SÉNÈS : Tout à fait. J’ai travaillé sous la direction de Rémi Lenoir un homme charmant. Je garde de lui le souvenir d’un directeur respectueux des personnes qu’il côtoyait, de leur travail. J’ai apprécié la confiance qu’il m’accordait et son appui. C'est une personne qui ne peut laisser que de bons souvenirs.
Nicolas FORTUNÉ : Vous savez ce qui m'a le plus marqué chez lui ? Son humilité !
Dominique SÉNÈS : Oui vraiment, ce n’était pas quelqu'un de condescendant, prétentieux, malgré sa stature en tant que sociologue très respecté dans son domaine. Il est toujours resté très accessible et d’une grande gentillesse. Il ne se mettait jamais en avant.
Nicolas FORTUNÉ : Comment vous avez découvert vos nouvelles fonctions ?
Dominique SÉNÈS : Ce n’était pas évident parce que je n'avais aucun prérequis, aucune expérience qui se rapprochait de mes nouvelles missions. Avec le recul je puis dire que les choses ne se sont finalement pas si mal passées. J'ai été bien épaulée. J’avais une équipe extra. Ce qui me revient à l'esprit c'est le dévouement de tout le monde. L'équipe que j'encadrais, avait le souci d'accomplir sa mission. Je pense que nous partagions tous l’envie de contribuer à la réussite des étudiants. Au-delà des difficultés qu'on pouvait rencontrer c'était cela qui nous tenait, qui nous faisait parfois accomplir des miracles. Je me souviens aussi de l'implication remarquable de Madame Jolivet.
Nous étions reconnus, nous faisions partie d'une équipe. Nous étions des maillons d’une chaine, des maillons essentiels.
Nicolas FORTUNÉ : Quelles ont été vos principales missions ?
Dominique SÉNÈS : Arbitrer des situations particulières ! Chaque secrétariat était autonome, connaissait son boulot. C'est vrai que j'étais sollicitée pour des cas qui sortaient des sentiers battus, qui requérait un arbitrage, un examen particulier. La configuration de l’UFR (répartie sur deux sites : 5ème et 13ème arrondissement de Paris) nécessitait que je sois présente sur ces deux lieux géographiques Je dois avouer que j'étais plus présente dans le 5e, puisque mon bureau s'y trouvait. Malgré tout je maintenais le contact (par téléphone et mail) constamment avec les collègues responsables des deux premières années de licence. Cette répartition géographique constituait une difficulté importante. Assurer la coordination entre les secrétariats au niveau des plannings des examens, n’était pas une mince affaire. Je faisais l’interface entre la direction, les professeurs et les collègues à travers des réunions officielles, tel que le conseil d’UFR, les réunions de services présidées par la DGS.
Il y avait beaucoup de réunions informelles, où je faisais redescendre certaines informations. Il fallait trouver des formes d'application des décisions qui avaient été prises et réfléchir avec les collègues à la façon de les mettre en place au mieux. Si l’organisation budgétaire, le nerf de la guerre, avait suscité quelques appréhensions de ma part, elle ne constituait pas l’aspect le plus complexe de mon métier. Il s’agissait d’un « petit » budget avec des objectifs récurrents et sans surprise, reconduit d’année en année. Je m'occupais, je m'en souviens, de la gestion des heures complémentaires des enseignants. Petit sujet sensible, avec la mise en place à l'époque du logiciel AGASSE. C’était un peu casse-tête, très chronophage. Je partageais mon bureau avec Linda Arbane qui s’occupait du recrutement des vacataires, mais essentiellement de multiples missions pour le département de droit social. Nos échanges et notre collaboration étaient conviviaux, fructueux et constituaient un trait d’union entre les deux départements, efficacement complétés par Monique Rafaëlli, responsable du master de droit social.
Nicolas FORTUNÉ : Quelle situation a suscité le plus d’appréhension pendant votre service à l’UFR 12 ?
Dominique SÉNÈS : Ce qui a été le plus difficile pour moi, c'était le management, la gestion des personnes parce qu’il m’est difficile de trouver où placer le curseur entre l’autorité (nécessaire) et l’empathie (incontournable). Il faut réussir à prendre du recul et avoir un regard objectif pour prendre les bonnes décisions. Même si je suis plus encline à être à l’écoute de mes collaborateurs, il faut par moment trancher dans le vif au risque de ne pas plaire. Quand on encadre des collègues, des êtres humains, il nous faut prendre en compte leurs personnalités. Personnalités qui font parfois des étincelles. C’était un terrain miné pour moi. Le management est un métier à part entière et malgré mon expérience et les années à venir je ne suis pas sûre de trouver la recette miracle. Néanmoins l’expérience est formatrice.
Nicolas FORTUNÉ : Quelle était la tâche que vous n'aimez pas faire ?
Dominique SÉNÈS : Ce qui me revient en premier lieu ce sont surtout les gros défis qui existent encore et qui mettent tout le monde sur le front, très chronophages et anxiogènes. Il s’agit des fameux contrats à l'époque dits quadriennaux devenus depuis, quinquennaux. Sa préparation est très lourde. Je me souviens que c'était une période [où l’atmosphère devenait électrique]. Chacun défendait sa paroisse. Chacun voulait placer sa matière. C'était assez inconfortable pour moi. Je n'avais pas à intervenir. Je n’en avais ni l'accréditation ni le rôle mais il fallait que je sois présente pour être informée des décisions car c’est moi qui compilais les documents avec Élisabeth Jolivet. C'est elle qui insufflait un peu de sérénité dans ces moments tendus.
Nicolas FORTUNÉ : Comment avez-vous vu évoluer le métier de responsable administratif ?
Dominique SÉNÈS : Dans la mesure où j’ai encadré des équipes à des postes très différents, c'est difficile pour moi de voir une évolution. Après avoir quitté l’AES j'ai été responsable d'un service qui avait pour objet d’organiser les soutenances de thèses en sciences humaines. Très différent de mon poste précédent à bien des égards : moins varié, très répétitif, moins valorisé, souvent la cible de critiques. Ce qui m’a frappé et manqué c'est de ne pas être conviée aux réunions de services mensuelles organisées par le DGS. Ces réunions étaient essentielles parce qu’elles constituaient des lieux d'échanges, d’information. Après la dissolution de ce service, j'ai été amenée à participer au mouvement interne et je suis devenue la responsable administrative de l’école doctorale de science politique à la rentrée 2019. C'est un service que je trouve très intéressant. J’y côtoie des étudiants chercheurs ainsi que des enseignants-chercheurs. Alors que dans mon précédent poste je constituais le maillon final de la vie du doctorant, à ce poste je les accompagne depuis leur recrutement jusqu’à leur soutenance, ce qui est beaucoup plus intéressant. C’est un petit département en nombre, ce qui crée une atmosphère très conviviale (environ 80 doctorants et une vingtaine d’enseignants chercheurs). Il n’y a pas de clivages, l’esprit d’équipe prévaut, malheureusement malmené par les années covid. Je n'ai pas connu une année « normale ». Après l’année des grèves, 2019, les suivantes ont été perturbé par le COVID qui n’a pas facilité les rencontres et a impacté notre façon de travailler, (télétravail). Les réunions se font souvent à distance en visioconférence au détriment des vraies rencontres. C’est à double tranchant, pratique mais on perd l’habitude du contact humain. C’est peut-être l’évolution naturelle de la vie professionnelle. Même si le télétravail a ses avantages, dans certains cas le travail en présentiel s'impose.
Pour les étudiants par exemple, quand ils devaient faire des enquêtes de terrain, ils n’avaient pas d’autre choix que de se déplacer. Il aurait été dommage pour eux de ne pas pouvoir assister à une réunion ou un séminaire au prétexte qu’ils se tenaient loin de Paris. Il y avait donc des avantages et des inconvénients.
Nicolas FORTUNÉ : Recommanderiez-vous à vos enfants d’embrasser la même carrière que la vôtre et pourquoi ?
Dominique SÉNÈS : Eh bien non parce que je trouve que la carrière professionnelle, doit résulter d’un choix très personnel. Il faut vraiment choisir une carrière qu'on a envie d'embrasser. Mes enfants ne sont pas moi. Ils ont des personnalités différentes. Je vois un peu, le genre de métier dans lesquels ils pourraient s'épanouir et ce ne serait pas des métiers en tout cas, similaires au mien. Je souhaite qu'ils trouvent leurs voies et qu'ils s'y épanouissent. Mon objectif mon souhait pour eux c'est qu'ils soient heureux dans leur vie professionnelle aussi.
Nicolas FORTUNÉ : Merci beaucoup pour ce partage.