Témoignage de Monsieur Couturier Gérard

Texte

Lors de la création en 1973 de la filière AES, définie par les textes fondateurs comme une « formation pluridisciplinaire orientée vers la connaissance du monde contemporain et la préparation à l’administration économique et sociale », j’avais activement participé à sa mise en place dans le cadre de la Faculté de droit de Dijon, où je commençais ma carrière de professeur. Cette filière nouvelle était alors mal accueillie par nombre d’universitaires qui n’envisageaient pas la recherche et la diffusion des connaissances autrement que dans le cadre des différentes disciplines, mais elle apparaissait comme une réponse pertinente à l’ouverture de l’enseignement supérieur à un grand nombre de nouveaux étudiants dont il fallait anticiper le devenir professionnel.

 

A mon arrivée à l’Université de Paris I, en 1988, j’ai trouvé ma place au sein de l’UFR 12 qui, avec l’intitulé « Travail et Etudes Sociales », réunissait, pour les faire vivre ensemble, un département AES et un département droit social. Dans ce cadre, la filière AES de Paris I m’a paru caractérisée par la vigueur et la cohérence des engagements de ses animateurs(trices) et par l’équilibre de sa pluridisciplinarité — à quatre piliers disciplinaires : économie, droit, histoire, sociologie — équilibre favorisé par la richesse en enseignants de cette Université dans ces différentes disciplines.

Pendant tout le cours de mes vingt trois années d’enseignement à Paris I, j’ai pu constater les avantages résultant de ce que la filière AES y était adossée à une équipe de juristes de droit social structurée et sensibilisée aux mérites particuliers de cette filière dans une perspective de promotion sociale et de développement de la diversité. Il est avéré que, pour de multiples raisons sociales et culturelles, cette filière apparait à de nombreux jeunes, dont le passage dans l’enseignement supérieur reste problématique, comme plus ouverte et plus proche de leurs aspirations que les études de droit ou d’économie. De cette voie d’accès plus ouverte, la synergie de l’AES et du droit social me semblait accentuer et élargir les avantages, dans le sens d’une égalité des chances de succès réel dans l’enseignement supérieur dont il est si difficile de se rapprocher.

Pour ma part, j’ai eu le constant souci d’assurer aux étudiants d’AES, dans des matières juridiques telles que le droit du travail et le droit de la sécurité sociale des enseignements aussi exigeants que ceux destinés aux étudiants en droit — une réelle familiarité avec ces matières ne pouvant que leur être profitable dans la perspective des débouchés professionnels qui existent réellement. Ainsi, c’était le même amphi qui était ouvert aux étudiants d’AES et aux étudiants en  droit pour mes cours de droit du travail en licence et mes cours de droit de l’emploi en maitrise ; c’était la même équipe qui assurait pour les uns et les autres l’animation des travaux dirigés, sur la base des mêmes documents ; seuls devaient différer la nature des exercices (et des sujets d’examens). en fonction des centres d’intérêt et des apprentissages acquis des uns et des autres.

Notre intention première n’avait jamais été  d’attirer systématiquement  les meilleurs des étudiants d’AES vers nos diplômes de droit social — je crois, d’ailleurs, que certains sont plutôt devenus de brillants économistes, voire de brillants politologues. Cependant, il faut avouer que les succès professionnels — comme avocats, comme juristes d’entreprise ou d’organisations syndicales ou professionnelles, etc. — de diplômé(e)s d’AES ayant, le moment venu, choisi cette spécialisation nous a toujours réjoui

Gérard COUTURIER